Logo
Imprimer cette page

Décès Mme Rose Compaoré: Retour sur les détails d’une affaire brûlante

C’était le sujet brulant de la toile la semaine dernière. Les derniers développements du décès du député Rose Compaoré née Konditamdé ont mis le ministère de la Santé et l’évolution du COVID-19 au cœur de la polémique. Deux semaines après cet épisode, nous avons mené notre enquête sur certains faits comme la véracité du test COVID-19 de la 2e vice-présidente de l’Assemblée nationale et la désinfection de son domicile.

Depuis le début de l’affaire, le mari de la défunte a toujours nié la cause du décès. Pour lui, son épouse a succombé d’une crise de diabète alors qu’elle était évacuée à l’hôpital de Tengandogo pour des soins plus appropriés. Cette conviction, il l’a martelée à  plusieurs reprises. Quelle est la réalité ?

De quoi dame Compaoré est-elle décédée ?

Selon plusieurs sources que nous avons contactées, Dame Compaoré est arrivée au centre hospitalier universitaire de Tengandogo le 16 mars 2020. Elle a été transférée à partir de la clinique de l’Espérance où elle séjournait depuis le 12 mars 2020 pour sa pathologie connue. La raison du transfert est due, de source sûre, à la détresse respiratoire que la patiente subissait et en ces temps de COVID, son arrivée à Tengandogo n’avait rien de surprenant.

Admise au bâtiment 15 (celui dédié aux malades du COVID-19), Mme Rose Compaoré subit le test et son prélèvement prend la route de Bobo-Dioulasso le 17 mars 2020 à 4 heures du matin. Le prélèvement atterrit au laboratoire dirigé par le Pr Zekiba Tarnagda à 7h30 et le résultat est communiqué dans la même journée à l’équipe qui assure les soins des malades du COVID-19. Malheureusement, Mme Rose Compaoré décède dans la nuit vers 23 heures.

Voilà les faits. L’émotion aidant, l’on pourrait comprendre le désarroi de l’époux et des enfants surtout dans un contexte où le Burkina était au début de la prise en charge des cas. Il est vrai également que la comorbidité y a peut-être joué, puisque la dame, âgée de 62 ans,  était diabétique et hypertendue. Et ce ne serait pas tout… Depuis le début de la pandémie, l’on sait que certaines pathologies qui affaiblissent le système immunitaire, ne laissent pas beaucoup de chances aux malades du COVID-19. La question que l’on se pose est de savoir l’intérêt qu’auraient pu avoir les responsables de la prise en charge des patients à déclarer un décès autre  que de cette pandémie. Et de toute façon, rien n’exclut une contre-expertise dans ce genre de situation et certainement l’échantillon en cause doit être soigneusement conservé.

Il faut également souligner que le maire de Béré,  qui a été en contact avec la dame a été testé positif au COVID-19, a été hospitalisé et a retrouvé la santé plus tard.

La famille de la défunte a-t-elle été en contact avec les responsables du ministère de la Santé ?

Selon nos informations, dès le lendemain du décès de dame Compaoré, soit le 18 mars 2020, une équipe du ministère de la Santé s’est rendue au domicile du mari à la ZAD où elle a été reçue par un représentant de la famille. L’objectif de cette visite était de sensibiliser la famille sur le respect des mesures barrières ( pas d’attroupement, distanciation sociale, port du masque). L’équipe retrouvera plus tard Monsieur Compaoré à Tengandogo pour lui expliquer la démarche entreprise à son domicile à son absence. L’un des membres de cette mission nous a confié que le mari soutenait déjà bec et ongles que son épouse était décédée de diabète et d’hypertension et non de COVID parce qu’il ne croirait pas à cette maladie. Selon nos informations, c’est à cette occasion que monsieur Compaoré avait convenu avec l’équipe de les rappeler pour la période favorable à la désinfection du domicile.

Comme on le sait, cela n’a pas été fait et le ministre de la Santé, Claudine Lougué a reconnu que c’était une contre-vérité qu’elle a annoncée lors de son intervention le 21 avril dernier à l’Assemblée nationale. L’instruction a été donnée et un premier rendez-vous pris avec la famille. Mais la suite est un serpent de mer. Seulement, une question lancinante pointe à ce sujet : quel domicile devait-on désinfecter ? Il est établi en effet de source bien informée que dame Compaoré ne vivait plus avec son mari à la ZAD mais plutôt à Ouaga 2000. Et si l’on s’en tient aux derniers moments de sa vie, depuis le 12 mars dernier, elle était en clinique jusqu’au décès survenu le 17 mars dans la nuit. On peut conclure que s’il y avait un domicile à désinfecter, ce n’est probablement pas celui du mari. Selon toute vraisemblance, la désinfection des locaux de l’Assemblée nationale et de la clinique de l’Espérance  ont été faites ; Idem pour les effets personnels et le téléphone de la défunte en présence du mari.

La famille est-elle en possession du dossier médical de la défunte ?

C’est une question qui a été à l’origine d’échauffourées entre la famille et les responsables de la prise en charge des cas COVID-19. En réalité, devant la difficulté à obtenir ce document, la religion du mari et des enfants était désormais faite que les choses n’étaient pas claires en ce qui concerne dame Compaoré.

Selon nos investigations, c’est le 30 mars 2020 que l’ainé de la fratrie Compaoré a joint un responsable de l’hôpital pour exposer les difficultés à obtenir le dossier médical de la défunte. Sur instruction du DG de Tengandogo, des dispositions sont prises pour transmettre le fameux document à la famille et le premier rendez-vous est fixé au 2 avril 2020. Il faut souligner que l’article 133 du Code de déontologie des médecins du Burkina indique le dossier médical reste la propriété de l’établissement hospitalier où le patient est traité. « Cependant, le médecin est dans l’obligation de lui établir un résumé du dossier médical ou un certificat médical ou un rapport à la fin du suivi médical en cas de changement de médecin traitant », peut-on lire à la suite.

Mais les choses ne se sont pas bien passées entre les deux parties. Le 8 avril 2020, l’un des fils de la dame a failli en venir aux mains avec le responsable de la prise en charge des cas COVID 19. C’est finalement le 10 avril 2020 que la famille a récupéré le rapport médical sous pli fermé au secrétariat de la direction générale de Tengandogo.

Nous n’avons pas pu en avoir connaissance mais selon un médecin que nous avons consulté, le rapport médical est le résumé du dossier médical. Il contient en principe les points saillants de la prise en charge du patient depuis son entrée dans l’établissement hospitalier jusqu'à sa sortie. Mais, la revendication de la famille reste en l’état. En effet, en compagnie de son avocat, Me Prosper Farama, elle a rencontré le ministre de la Santé le mercredi 29 avril 2020 pour réitérer cette demande. Mais l’avocat aurait laissé entendre qu’il ne souhaite pas arriver au prétoire pour cette affaire. A quand le fin mot pour ce qui est du dossier médical quand on sait que le rapport est en principe clair sur la cause du décès de dame Compaoré ?

Bruno Tarpaga

© Référence info. Tous droits réservés.